C'est l'une des meilleures pistes de référence pour les basses de tous les temps. Mixée par Mark "Spike" Stent vers 1998 sur une SSL aux Olympic Studios en Angleterre.
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Si possible, écoutez le véritable enregistrement, le CD, ou même la version Spotify plutôt que la version Youtube. La version Youtube se transforme en bouillie au bout d'un moment, comme toujours sur Youtube (Youtube est un endroit sur Internet où la musique de qualité va mourir).
Ce qui est impressionnant musicalement ici, c'est que toute la chanson est basée sur un pédale de C mais ne devient jamais ennuyeuse. C'est aussi merveilleux de voir un groupe prendre son temps avec une chanson et proposer des structures totalement décalées. Plus d'une minute passe avant que des voix n'entrent. Lorsque le couplet arrive, il est si dépouillé qu'on se demande s'il s'agit même d'un couplet. C'est une montée vers une grande section instrumentale introduite par un chant « Love You » qui relie élégamment les deux parties.
Quand le deuxième « couplet » arrive, c'est la même lyric. (Donc, nous devrions probablement l'appeler un refrain alors). Cette fois, il fait moitié moins de longueur et il n'y a pas de chant « Love You » pour relier la section suivante, qui est elle-même différente et plus longue que la première. Le chant « Love You » apparaît brièvement pour relier cette deuxième section instrumentale au fondu final. Nous parlons donc d'une chanson de 6:20, avec deux refrains de longueurs différentes, des instrumentaux masqués en couplets, et des intros et outro plus longues qu'une minute chacune. Quand je l'ai entendue à la radio, j'ai dû arrêter la voiture et essayer de découvrir qui c'était et pourquoi une telle piste passait à la radio. (C'était en France, sur FIP, je vous le rappelle, mais quand même). Il a fallu une vision sérieuse pour oser faire cela et suivre ensuite sur le plan commercial.
La clé sonore de la piste est l'interaction entre la grosse caisse et les deux basses. La grosse caisse elle-même est le centre de la piste mais n'est pas très forte. Le poids de la piste vient des deux basses : Une sale qui commence la piste, et une propre qui apparaît après environ 20 secondes. Il est important de garder une trace de ces deux éléments tout au long de la chanson. Il y a un réel savoir-faire dans la gestion de ces trois éléments tout en développant la large plage dynamique de la chanson autour d'eux.
Si vous écoutez sur un support de lecture propre, vous remarquerez que même si de nombreux autres éléments apparaissent, la grosse caisse ne s'effondre jamais. Même lorsque les véritables percussions arrivent, les trois éléments centraux restent en place. Et même quand tout s'emballe, le centre et le bas ancrent toujours tout (pas si vous écoutez sur Youtube, mais vous le saviez déjà).
Spike a pris des décisions et fait des choix esthétiques vraiment remarquables sur cette piste. D'abord, le side stick est presque complètement sec (il y a un léger écho, mais pas de réverbération) tandis que les voix sont très humides. En fait, tout est très humide et ambiant dans la chanson, sauf les percussions basses et le side stick. C'est un son magique. Prenez une minute pour l'écouter et analyser tous les instruments, et mentalement classez-les dans une colonne humide ou sèche, et voyez l'effet que cela donne à la chanson. Les voix obtiennent leur distance grâce à une variété de délais et de réverbérations. Certains de ces effets semblent partagés avec certains des effets de guitare. (À l'époque, il s'agissait de réverbérations matérielles, il a probablement fallu un énorme équipement pour obtenir les sons que vous entendez.)
Remarquez les autres choix intelligents, comme le premier hi-hat à droite qui s'arrête ou est sévèrement atténué lorsque le hi-hat distordu arrive au centre, laissant place aux guitares sur les côtés.
Remarquez également que le rimshot très sec est remplacé par une sorte de caisse claire doublée d'un effet de hauteur toutes les deux mesures lorsque les choses deviennent intenses. Concentrez-vous sur le centre de la chanson et écoutez attentivement la caisse claire. Avez-vous entendu quelque chose de similaire avant ou après ? Je ne l'ai pas fait. C'est probablement une question de production plus que de mixage, mais cela a permis à Spike de noyer le side stick sec sans laisser de vide (vous pouvez l'entendre réémerger lorsque la caisse claire s'estompe autour de 5.40).
La réverbération à ressort écrasée sur la caisse claire est également assez intense. Bonne idée de maintenir cette quantité de grain incroyable. Le long pré-délai permet de conserver l'impact de la caisse claire. Intelligent, intelligent, intelligent.
Les guitares sont utilisées pour donner de l'élan aux parties instrumentales. Il n'y a pas de guitares à proprement parler dans les refrains. Les guitares me semblent très Pink Floyd. (À l'époque de The Wall). Remarquez qu'elles sonnent assez fines (pour laisser la basse tranquille) et presque DI. Elles sont croustillantes mais pas très présentes, utilisées comme un pad bourdonnant et animé. Elles semblent énormes grâce aux nombreux délais et réverbérations ajoutés pour amplifier la queue, mais ce ne sont pas des guitares classiques, énormes, amplifiées, empilées les unes sur les autres.
Il y a tant de détails dans ce mix que vous découvrirez de nouvelles choses à chaque écoute. Par exemple, ce petit arpège de guitare à droite vers 5.40, qui n'apparaît qu'une seule fois, très loin, juste comme ça.
Ou comment la grosse caisse change lentement de forme à la fin du fondu.
Ou l'incroyable appel de caisse claire stéréo avant la première section instrumentale.
Gardez à l'esprit que cela a été fait sur une console, probablement avec du matériel comme source. C'est un mix très, très détaillé et cela a nécessité beaucoup de créativité pour tout réaliser sur du matériel.
Dans l'ensemble, c'est un mix plutôt parfait. Personnellement, je l'utilise depuis des années pour vérifier les haut-parleurs lorsque je voyage ou lorsque je travaille dans d'autres pièces. Il vous montrera immédiatement si votre pièce est trop chargée en basses ou légère. Prenez quelques écoutes de la chanson dans divers environnements. Si ça sonne mal, alors l'environnement est mauvais. Pas l'inverse.
C'est une excellente piste à « posséder et garder ». Cela signifie « avoir sur votre disque et garder en tête ».
Analyse du mix par Fab Dupont